Lamineurs

« Dans un monde d’anticipation qui n’est pas sans rappeler les cauchemars de Georges Orwell, nous pénétrons dans l’intimité d’une famille ouvrière quelque part en France…
Le Père est au chômage depuis un an, l’usine de métallurgie dans laquelle il travaillait depuis toujours est visiblement fermée depuis son rachat par un consortium. Ce dit consortium a aussi racheté le quartier et gère un nouvel urbanisme, les nouvelles taxes (dont la T.A.R. Taxe sur l’Air Respiré), fait passer et applique ses propres lois grâce à sa milice privée. Le monde change autour de la maison ouvrière qui semble de plus en plus isolée et anachronique.
Le temps est arrêté, le Père, plongé dans une torpeur dépressive, ressasse sans cesse les souvenirs de l’usine, sa vie d’ouvrier, ses camarades métallurgistes et semble peu à peu se perdre dans la folie, parlant à des fantômes du passé. La Mère tente de maintenir la vie dans cette maison, sort acheter de quoi nourrir la famille, nettoie une maison rongée par le manque d’argent, la moisissure et l’usure du temps. Au milieu de ce monde qui s’effondre, leur fille rêve d’une autre vie, s’invente des histoires, s’échappe dans l’imaginaire, « tricote » des poésies sur une vie ailleurs, au delà du fleuve…
Dans cet univers il y a aussi l’omniprésence de La Voix : image de l’information au service du consortium, une propagande chargée de glorifier les nouvelles mesures de plus en plus inhumaines. Une voix qui se charge aussi de la publicité, des résultats sportifs,…
Partant d’une situation concrète, l’auteur ne verse pourtant pas dans un naturalisme qui limiterait son propos. Se servant des moyens du théâtre il s’échappe par la force de l’écriture vers une poésie qui dépasse ce qui pourrait n’être qu’un « théâtre documentaire ». Le rythme de la parole se radicalise pour rendre, chez le Père, la mécanique du travail à la chaine. Les mots deviennent de plus en plus saccadés, oppressants, abrutissants, répétitifs pour nous plonger dans un enfer intérieur tandis que la fille tente de nous emmener vers une poésie que nous devinons déjà morte née. Oui l’ambiance est lourde ! (Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’humour, un peu méchant cela va sans dire). C’est une écriture en colère, une pièce qui nous entraine dans les affres de la perte d’identité due au chômage, quand la fermeture d’une usine ne se limite pas à des lignes de statistiques mais ressemble plutôt à une mort lente et programmée.
Une écriture qui n’hésite pas à appuyer là où cela fait mal, à utiliser la scène pour aller vers l’impossible comme disait Artaud. Radical, C. Tostain imagine un monde où les ouvriers ne répondant pas à un minimum de capacité productive sont purement et simplement euthanasiés. Le Père se voit offrir un nouveau travail : bourreau. On le remet sur une chaine de travail, mais cette fois-ci il ne s’agit plus de plaques de métal mais d’une guillotine automatisée qu’il est chargé de faire fonctionner… Grâce à ce travail, la vie reprend dans la maison, on peut racheter de la viande… A quel prix ? Pour combien de temps ? »

Christophe Gauzeran

Écriture et Mise en scène : Christophe Tostain

Jeu : Stéphane Fauvel / Sandra Devaux / Gaëlle Camus

Lumière : Fabrice Fontal

Musique : Jean Noël Françoise

Scénographie : C.Leg

Production / Coproduction : Ville de Cormelles le Royal / Festival La Chambole des 3 RU

 

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Crédit photo C.Leg