Le Mensonge du Singe

 

Création de la Compagnie du Phoenix –

Texte / Vidéo / Jeu : Christophe Tostain
Régie : Lotus Choffel
Regard Extérieur : Fabrice Michel
Coproduction : Théâtre de l’Archipel de Granville, Théâtre Mégapobec
Soutiens à la création : Ville de Bayeux, Ville de Cormelles Le Royal

Il y a un fauteuil, et sur ce fauteuil, il y a un individu.
L’individu est immobile, il raconte, il nous dit qu’il vit seul dans le pavillon d’un lotissement en bordure de périphérique.
À l’intérieur, sa maison est vide. À l’extérieur, toutes les maisons se ressemblent. Lui est assis dans un
fauteuil. Il ne bouge pas. Comment en est-il arrivé là ? Personne ne le sait. Lui-même, d’ailleurs, ne le sait pas. Il en a quelques vagues souvenirs mais tout est devenu très confus dans sa mémoire. Il semble ne savoir qu’une seule chose : il a décidé de faire un voyage. À l’instant où il nous parle, de son fauteuil, il se projette dans un futur proche où il sortirait de chez lui, de son pavillon blanc pour traverser le lotissement.
Son voyage mental nous entraîne alors dans les lacis de ses pensées. Ses mots se dévident en un mouvement extrêmement lent et continu. Le fil de ses paroles ne parvient pas à se situer dans le temps. D’une phrase à l’autre, il alterne le présent, le passé, le futur. Peu importe ; je suis le singe qui tisse une toile d’araignée nous dit-il plusieurs fois. Il évoque sa difficulté d’être de ce monde, d’être dans ce monde, notre monde, celui des encore vivants.
Il évoque des souvenirs, son départ et son retour, la rue, ses tentatives d’insertion professionnelle, son voisinage…tout semble être la cause de son immobilité.
Mais Il y a bien autre chose qui existe. Un futur : celui qui va l’amener à traverser une passerelle et à se retrouver de l’autre côté du périphérique, une destination finale dont lui seul connaît l’issue…

Performance

Le Mensonge du Singe est une performance immersive. La scénographie est simple : un fauteuil de salon centré, un écran derrière, un écran au sol, des néons, un peu de fumée, une bouilloire. Dans le fauteuil, l’acteur ne bouge pas, ou de façon infime et intime. Il ne fait que nous parler et seuls ses mots nous prennent par la main pour nous emmener dans le voyage qu’il envisage. La lumière n’est faite que par projection vidéo, elle transforme l’espace où se trouve l’acteur. Le son, composé de textures omniprésentes, douces ou rugueuses, vient tendre l’espace mental qui est proposé afin de faire vivre au spectateur une expérience théâtrale radicale.

« La prouesse de l’acteur est grande car dans ce jeu figé et plongé dans une pénombre devenant lugubre, il nous entraîne dans les abysses mentaux de son personnage sans que nous puissions savoir s’il ment, s’il singe la haine du genre humain ou s’il annonce un passage à l’acte, une décompensation criminelle qui liquiderait sa noirceur en tuerie de rue, de supermarché ou de salle de spectacle. L’ambiguïté est maintenue jusqu’au bout y compris quand il se lève et dit aller retrouver des complices. Se lève-t-il vraiment ou en pensée ? Pour sûr, c’est du théâtre mais aussi une expérience mentale, une plongée dans les arcanes d’une psyché malade de ne plus savoir faire lien. Christophe Tostain signe et singe avec détermination et brio un sombre poème de la déliaison humaine. »    Hubert Haddad – critique Avignon 2023 – Blog SNES FSU